Les dernières créations contemporaines proposées à l'Opéra de Paris, Adriana Mater de Kaija Saariaho et Into the Little Hill de George Benjamin, ont laissé un souvenir atroce. Présenté au palais Garnier, Da gelo a gelo de Sciarrino est un ouvrage autrement intéressant. Certes la première, il y a une semaine, fut copieusement chahutée. Et pour la deuxième, mardi, on ne comptait plus les angoissés bradant leurs tickets sur les marches extérieures, à qui en voulait bien. Cet opéra n'est pourtant pas la mer à boire et, hormis quelques sorties discrètes, c'est un public attentif qui a suivi l'échange épistolaire d'un rare raffinement poétique entre un prince et une courtisane, dans le Japon du Xe siècle.
Défis. Tout, dans Da gelo a gelo, a de quoi décourager le lyricomane occidental : l'absence d'action, d'intrigue, de point de vue subjectif, de grands airs ou choeurs, la musique raréfiée et statique, sans développement thématique et mélodique. Il faut donc une grande capacité d'abandon et une certaine propension à l'extase contemplative, pour goûter cette dramaturgie de sons frottés, claqués, étirés ou éteints, de glissandi microtonaux et de mots littéralement soufflés dans l'embouchure des flûtes.
Sous la baguette experte de Tito Ceccherini, le Klangforum Wien est à la hauteur des défis de cette partition tout d'éclats et résonances, convoquant l'extrême des registres, exigeant des modes d'attaque qui produisent des effets de timbres inouïs, po