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Libération

«C'était un acteur shakespearien sous-employé»

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publié le 1er juin 2007 à 8h05

Eric Rohmer

«Il traînait toujours avec nous, on allait ensemble avec la bande des Cahiers à la Cinémathèque. A l'époque, il prenait des cours d'art dramatique mais aucun d'entre nous ne l'avait vu jouer. Pourtant, on voulait tous le faire parce qu'il avait un charme incroyable, qu'on l'admirait et qu'il nous faisait rire. Je crois que c'est dans le Beau Serge de Chabrol qu'il se révèle vraiment parce qu'il est à contre-emploi. On le perçoit comme comique, voire cynique, or, là, il jouait un bon garçon. Au fond, je crois qu'on ne lui a pas forcément donné la possibilité de développer ce côté émotif dans lequel il se montre extraordinaire, y compris dans des téléfilms, pas toujours de grande qualité. Je me souviens de lui dans la Reine Margot de Patrice Chéreau dans le rôle de Coligny, il écrase tous les autres. Pour moi, c'était un acteur shakespearien qui a été employé en dessous de ses possibilités. Je lui avais demandé de jouer dans Conte d'hiver le rôle du roi Leontes mais il avait décliné. Quand je l'ai fait tourner dans le Genou de Claire, je me souviens qu'il avait un sens du cadre que d'autres n'ont jamais, il savait parfaitement se placer et vous n'aviez pas besoin de lui répéter les indications. La dernière fois que je l'ai vu, c'était à Venise, où je présentais l'Anglaise et le Duc. Il m'avait écrit un petit mot très gentil après la projection. Il était resté l'homme charmant et attentionné que j'avais connu bien des années