La Tour, écrite et mise en scène par Gérard Watkins, est un objet théâtral ambitieux, étrange et inégal, généreux et brouillon, souvent drôle, mais dont on se demande un peu où cela mène. Et qui aurait mérité quelques coupes. La pièce, un peu visionnaire puisque l'auteur précise l'avoir imaginée avant le 11 septembre 2001, évoque l'ascension et la chute d'un édifice sans précédent.
Une tour si haute qu'elle contiendrait le monde entier ou presque : église, hammam, mosquée, tribunal, zoo, centre commercial, ateliers d'artistes, rien ne manque... Le projet initial mentionnait même l'aménagement d'un aéroport au beau milieu de «la tour», mais l'idée, jugée trop dangereuse, a été écartée et l'architecte évincé par un candidat à l'élection présidentielle un poil autoritaire.
S'y croisent une vétérinaire aux dents longues, une auteure schizophrène, des sans-papiers anonymes, des artistes ringards, un conseiller spécial, un service d'ordre dissuasif... Il y a de la place pour tous dans cette fable qui se souvient de Babel pour raconter le monde contemporain, sa froide violence, et l'arrogance de l'Occident, du pouvoir de l'argent.
Les spectateurs, assis en quadrilatère autour d'une large plateforme métallique qui monte et descend à mesure que les personnages changent d'étages, se trouvent englobés dans l'espace scénique par un impressionnant dispositif de lumières. C'est d'une beauté lugubre. Et le spectacle se niche d'abord dans ces filins, ces grilles et ces rampes de métal,