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Libération
Critique

Pour l'honneur des sorcières

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publié le 7 juin 2007 à 8h10

Il y a les folles furieuses, les incurables, «... celles-là/ sont jetées dans les cachots/ [...] tout près de la Seine/ l'atmosphère y est glacée humide nauséabonde/leur cou leur taille cerclés d'anneaux reliés par des chaînes fixées aux murs/ leurs mains/leurs pieds attachés/assises sur de la paille à moitié nues/grelottantes/ laissées dans leur crasse/au milieu de leurs excréments/on leur jette leur nourriture à travers un grillage/[...] on dit qu'elles poussent des gémissements qui sortent de la terre/on vient de tout Paris/en famille/ les voir le dimanche/on rit/on s'amuse/en hiver/l'eau monte sur elles/les recouvre/les rats les dévorent/c'est l'enfer [...]».

A côté des démentes, à l'hôpital de la Salpêtrière, on parque aussi des filles de joie, des orphelines, protestantes, paralytiques, juives, impies, criminelles, mélancoliques, aveugles, adultérines, homosexuelles, voleuses, convulsionnaires, séniles, idiotes engrossées au bord d'accoucher de bâtards, suicidaires, bohémiennes... A la faveur de rafles, celles-ci sont séparées des hommes ­ moins nombreux à être dénoncés par leur famille ou le voisinage, et envoyés, eux, à Bicêtre.

Le nombre des emmurées de la Salpêtrière gonflera au fil des ans, jusqu'à 8 000. C'est sous Louis XIV que s'est emballée la machine à faire disparaître déviantes et indigentes. Deux siècles après, quand Charcot vient traiter les épileptiques, les pensionnaires sont encore 5000, et chaque année le rituel d'un bal masqué attire les Parisie