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Libération
Reportage

Le train souffrira trois fois

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publié le 8 juin 2007 à 8h10

Addis-Abeba envoyée spéciale

Le train était censé partir d'Addis-Abeba à 15 heures, mais les guichets restent fermés. Assis par terre, de rares passagers prennent leur mal en patience. «C'est un train d'Afrique», avertit le chef de gare. Sur la voie ferrée envahie par les herbes, trois wagons rouillés stationnent. Comme pour prendre l'avion, on s'enquiert des conditions météorologiques. Ni fenêtre ni porte ; en cas de pluie, la douche est assurée.

Un coup de sifflet, une jeune fille fait son signe de croix, c'est le départ. En cahotant, à la pâle lueur du jour déclinant, le train 1 438 quitte la capitale. «Franchement, j'aurais de l'argent, je prendrais le bus», bougonne Chernet, étudiant de 22 ans. Le train est presque vide parce que les commerçants d'Addis préfèrent la route : différence de prix minime et moins de contrôles douaniers dans les bus.

«Le train est lent, hein, lance un vieux mécanicien, l'air goguenard. En Europe, ils vont au moins à 200 kilomètres à l'heure, non ? Et il paraît que les femmes peuvent les conduire...» L'idée le fait rire. Ici, le monde des cheminots est masculin. Pourtant, sur la ligne, ils partagent la vedette avec des héroïnes du quotidien, les commerçantes, plus nombreuses à chaque nouvel arrêt dans la campagne.

Encombrée de lourds paniers d'osier contenant patates, haricots, tomates, Zenaba s'effondre sur la banquette. A 38 ans, elle se ravitaille à Nazareth et revend dans son village de Bicket, avec un petit bénéfic