Quand, en 1993, Nirvana et son grunge anémique emballaient une partie de la jeunesse mondiale, Gianni Versace atteignait son apogée avec des propositions stylistiques radicalement différentes : couleurs pastel ou clinquantes, volumes XXL, déshabillés glamour et sexy. Presque quinze ans plus tard, alors que Kurt Cobain et Gianni sont morts, que la mode et le rock n'en finissent plus de copuler dans les pages des magazines, Donatella Versace ressemble étrangement à une grande soeur de Courtney Love, la veuve Cobain. Même blondeur aveuglante, rôle quasi similaire de gardienne du temple du défunt, et même tronche, surtout, ravagée par le bistouri et comme revenue d'entre les morts.
L'une et l'autre peuvent inspirer le dégoût. Le mépris. Elles nous apparaissent plutôt comme des survivantes. «Bigger than life», même si, et surtout si, le malheur n'est jamais loin. L'emblème de la Casa Casuarina, la somptueuse demeure art déco sur Ocean Drive, à Miami, où Gianni Versace fut assassiné en 1997, était la Gorgone Méduse. Une pauvre fille qui changeait en pierre ceux qui la fixaient, et dont la tête couverte de serpents finit décapitée. Mais Donatella Versace, qu'on imagine volontiers entourée de serpents, dure comme de la pierre, tenait plus d'une «Xena la guerrière» en son palais milanais. Elle a surmonté la mort de son frère et l'anorexie de sa fille unique, Allegra (qui, maigrissime, se bat toujours contre la maladie); elle a laissé tomber la cocaïne après des années d'abus «je ple