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Interview

«Les stylistes sont les maîtres à penser de la société italienne»

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Pour Marino Niola, professeur d'anthropologie à Naples (1), les Italiens sont «condamnés» par leur histoire à soigner leur apparence. Car, dit-il, dans ce pays, il faut s'habiller pour exister.
publié le 16 juin 2007 à 8h19

Pourquoi les Italiens prêtent-ils autant d'attention à leur apparence ?

Pour les Italiens, l'apparence, c'est tout. Ce peuple a toujours privilégié l'esthétique par rapport à l'éthique, les valeurs individuelles par rapport à la vertu publique. L'apparence apporte donc un crédit essentiel à l'individu. D'où l'importance du paraître...

... et l'intérêt que les hommes portent au vêtement en Italie ?

Oui, être bien habillé signifie être quelqu'un qui compte, quelqu'un qui existe socialement. Ce n'est pas une simple affaire de goût. Mais paradoxalement, l'élégance italienne est très conformiste, sans courage, toujours obéissante. Les Italiens n'aiment pas la transgression. Quand ils s'habillent, ils le font avec peu d'inventivité, ils copient jusqu'aux boutons de manchettes le modèle présenté en vitrine. Il y a une conformité très forte à la famille, à la classe sociale, au milieu professionnel. La société italienne est très conservatrice, elle n'a jamais fait de révolution. L'orgueil d'appartenir aux classes populaires n'existe pas, il y a plutôt la volonté de ressembler à la catégorie supérieure. Dans Don Giovanni, le valet s'identifie au maître. C'est pour cela qu'il tente de cacher sa véritable origine derrière l'habit du noble. D'où cet art de la dissimulation, célèbre dans la commedia dell'arte [art théâtral italien, ndlr], pour faire croire que l'on est un autre. Le vêtement joue ce rôle de masque. Si séduire c'est toujours se masquer, se métamorphoser pour se