Dans les boîtes de nuit, ça coupe et ça décale. A la Fête de la musique, devant le camion de plats antillais stationné Porte des Lilas, ça coupe et ça décale. Dans un bar de la rue Saint-Maur, une foule de jeunes blancs, noirs, chinois, arabes, coupent et décalent. Ils ont la main au-dessus de leur tête, semblent couper l'air un coup à droite, un coup à gauche. Le DJ No Joke chauffe les danseurs en exécutant chacun des pas scandés par le chanteur sur le vinyle : «Guantanamo», il danse comme s'il avait les menottes aux poignets ; «caméra», il place les mains devant le visage comme s'il filmait ; «bisou bisou», il envoie des bises avec les doigts pincés sur la bouche ; «colgate», il fait mine de se brosser les dents. Et le plus spectaculaire, «grippe aviaire», les danseurs semblent être pris d'une crise d'épileptie.
Liasses. La folie du coupé-décalé (écrit aussi couper décaler) déferle sur le Tout-Paris, après Abidjan, Dakar, Bamako et New York, suite à la diaspora d'Afrique de l'Ouest. Nés dans les maquis (bars clandestins de la communauté ivoirienne à Paris), dans les boîtes de nuit afro-antillaises, et créés par une bande de jeunes Abidjanais, la Jet Set, qui ont fui le coup d'Etat en Côte d'Ivoire en 1999, puis repris par les zougloumans ces musiciens qui accompagnaient les manifestations étudiantes ivoiriennes dans les boîtes d'Abidjan dès 2003, cette musique et ses 150 pas de danse sont depuis quelque temps popularisés en France grâce aux spectacles de l'humor