Consommer est un luxe qu'il faut mériter par quelques moments coupables. De minuscules angoisses s'ajoutent à la grande, celle qui nous permet et nous empêche de vivre, pour nous isoler sous une tente d'allure biblique : l'oeil était dans la tombe et regardait Caïn, qui est gourmand. Cette morale est dans l'alpage : quarante jeunes diabétiques traversent cet été les Alpes pour rappeler les vertus de l'effort et les progrès de l'immortalité. Elle est aussi ailleurs : les campagnes sanitaires successives nous rappellent dans les endroits les plus inattendus à notre égoïsme envers nous-même, à nos manières quotidiennes de nous détruire par des plaisirs appris, à nos calories. Au cinéma comme à la télé, on peut voir celle de mangerbouger.com. Elle explique comment maigrir, être sain, vieillir vieux. Cinq fruits et légumes par jour sont idéaux, nul n'en doutait, pour qui peut se les payer : la société a toujours su comment culpabiliser ses pauvres à l'aide de valeurs parfaitement recommandables. Comme toujours, derrière tant de vertu se cachent les délices des injonctions contradictoires : c'est le principe du «Fumer tue». Au cinéma, en une seule séance, on voit une publicité pour des glaces, sous-titrée par : «Pour votre santé, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé, entre les repas.» Puis, sous une publicité pour des chips : «Pour votre santé, évitez de grignoter entre les repas.» Enfin, sous une publicité pour un Perrier avec sucre et édulcorant : «
Dans la même rubrique