(envoyé spécial à Avignon)
Une danseuse, un acteur; l'une tournoie, l'autre crie. La danseuse (Fumiyo Ikeda) porte des couleurs vives ; l'acteur (Benjamin Verdonck) a le visage enduit de cirage noir. Couple étrange, tout en déséquilibre, comme une variation sur la Belle et la Bête, qui pendant une heure raconte moins une histoire qu'une suite d'états. Drôle de texte aussi, à la fois sommaire dans son expression (anglais basique) et très confus quant au récit.
Confession d'un violeur psychopathe ? Souvenirs d'un vétéran du Vietnam ? En fait, le témoignage d'un enfant-soldat africain, tel que retranscrit dans Beasts of no nation, un livre de l'écrivain américain d'origine nigériane Uzodinma Iweala.
Sur le plateau du gymnase Aubanel, un grand carton, façon abri pour SDF, et un matelas pourri composent le seul décor. Vêtements et visages sont souillés de cirage. Nine Finger fonctionne comme une pièce hyperréaliste déconstruite, dont il ne resterait que des vestiges, des signes plus ou moins énigmatiques. La violence du texte et des situations est telle que toute esthétisation semble vouée à l'échec. L'une des seules «images» du spectacle est celle d'un sachet en plastique volant au-dessus du carton. Ne restent que les corps des deux interprètes, traversés chacun à sa manière par l'expérience d'une déshumanisation.
Danseuse «historique» de Rosas, la compagnie d'Anne Teresa De Keersmaeker, Fumiyo Ikeda est à la fois celle qui subit et qui mène le jeu, qui bou