Avec ce regard souriant, à la fois perçant et sans profondeur, il inquiétait d'abord, professeur d'interrogatoire à l'école de la Stasi, ou Staatssicherheit (la sécurité d'Etat d'Allemagne de l'Est) dans la Vie des autres de Florian Henckel von Donnersmark, sous le nom de Gerd Wiesler.
Flic totalitaire, Stasihauptmann Ulrich Mühe, qui est mort dimanche à 54 ans, expliquait là ses techniques pour faire avouer un suspect : méthodique, sans morale personnelle ni affect, hors-champ possible d'un Procès de Kafka. Technicien bureaucrate de la République démocratique (par antiphrase) allemande, la RDA, de 1984.
Ascèse. Dans ce rôle, l'acteur était parfait. Il semblait bâti pour. Le corps mince, le visage passif, Mühe le muet faisait un portrait crédible de ce fonctionnaire façonné par l'ascèse que commande une foi sans borne dans le communisme. «Qu'il soit islamiste, marxiste ou de l'Opus Dei, l'idéologue a ce visage fermé», disait Florian Henckel Von Donnersmark, son metteur en scène. «Attention : ce n'est pas un idiot, ajoutait-il, c'est un romantique qui croit qu'on peut atteindre le vrai paradis.»
Mühe savait fantastiquement être tout cela, le masque impénétrable et l'air romantique. Nous le retrouvions plus tard, de gros écouteurs vissés sur les oreilles, espionnant un couple d'artistes : Dreymann, beau quadragénaire brun, auteur dramatique en vogue à Berlin-Est de ces années 80, et Christa Sieland, actrice, quasi-star. Ave