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Libération
Critique

Au choeur de l'hiver

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The Winter Family, hiératique duo franco-israélien, en concert ce soir à Paris, à l'église Saint-Sulpice.
publié le 14 septembre 2007 à 9h38

C'était en mars dernier. Du fond de la nef de la sévère église Sainte-Elisabeth-de-Hongrie, perforant le silence, parvient un long bourdon d'orgue. Devant l'autel, une fragile silhouette, les cheveux sombres tressés, belle, pâle, lève ses minces bras blancs. Sa voix grave pétrifie l'auditoire. Les mots surgissent comme un torrent tumultueux ou un ruisseau apaisant. Elle déclame, incante, psalmodie, murmure, transporte, irradie. Sa complainte chargée d'une tristesse et d'une compassion infinies semble venir de la nuit des temps. Elle conte des paraboles bibliques, des histoires d'errance, de frères ennemis, de jalousie, de peine et de souffrance. D'amour aussi. Elle raconte la guerre, les blessés de la vie, les enfants sacrifiés, mime le bruit des obus qui explosent. En anglais ou en hébreu, sa voix inconsolable glisse imperceptiblement sur les boucles entêtantes de l'orgue ou de l'harmonium. La «messe» s'achève en apothéose, dans le chant vrombissant des grandes orgues et finit dans un cri : «Nous les vivants !» On en sort converti à la Winter Family.

Valise. Elle, c'est Ruth Rosenthal. De près, elle n'est pas moins intimidante, avec ses grands yeux clairs. Elle est israélienne, a grandi à Jérusalem, «ville morte», avant de déménager à Jaffa l'arabe, banlieue de Tel-Aviv. C'est chez elle qu'il est venu frapper, avec sa valise. Il ne l'avait vue qu'une fois, dans une fête chez des amis communs. Lui, c'est Xavier Klaine, Lorrain ténébreux de Maxéville, prem