Quel regard le designer, le créateur que vous êtes porte-t-il sur la cuisine ?
C'est une confrontation directe avec la matière, les mains dans le cambouis et la tête dans les idées. Pour un public que je crois assez ouvert pour accepter d'écouter ce qu'on lui raconte... Je pense que les barrières sont plus souvent mises par les chefs eux-mêmes que par la clientèle. Or, être cuisinier, pour moi, c'est aussi tout l'art d'avoir un peu de liberté dans ce que l'on fait. Dans le design, c'est la même chose : dessiner en imaginant ce à quoi les gens sont censés adhérer, c'est le début de la fin !
C'est-à-dire ?
Il y a un moment pour créer et un autre pour vendre. Si on arrête de se poser le précepte de commercial, de comestible ou de visible comme préalable à la création, on commence à se faire plaisir.
J'ai souvent vu Michel Troisgros essayer, essayer... avant de tout jeter et de recommencer. Il part avec les bases de tout le monde : la viande, les poissons, les légumes... Mais il y a la liberté de ce qu'il en fait, la prise de risque. Or, dans le design comme dans la cuisine, la création ne se fait pas sur des révolutions. Une chaise a toujours quatre pieds. Mais on peut réinventer l'équilibre. On a toujours l'impression que tout a été fait mais tout reste à faire. Beaucoup de cuisiniers parviendront à réinventer la viande et les pommes de terre. S'ils s'autorisent la liberté.
Que pensez-vous du «lieu restaurant» d'aujourd'hui ?
Souvent, il y a un décalage entre le contenant et le cont