Menu
Libération
Critique

Le retour des yeux de Chimène

Article réservé aux abonnés
publié le 1er novembre 2007 à 1h14

Chacun se rappelle Durandal, l'épée de Roland à Roncevaux. En Espagne c'est d'une autre épée qu'on a colporté la légende : Tizona, le glaive de Ruy Diaz de Bivar, soit Rodrigue le chevalier, mort en 1099, après tant d'exploits contre les Maures que ceux-ci mêmes le gratifièrent du titre de «Saïd» (seigneur) des batailles. Le mot Sayyid viré Cid, l'épopée se fit romancero, où viendraient puiser les dramaturges du siècle d'or.

Pierre Corneille a 30 ans lorsqu'à son tour il campe le Cid, en contractant le drame situé à Séville. L'affaire d'honneur bafoué, le camouflet à l'endroit du vieux Don Diègue oblige Rodrigue à venger son père : ainsi assassine-t-il le géniteur de son aimée, Chimène. Le metteur en scène Alain Ollivier souligne combien le roi de Castille, Don Fernand, est opposé à ce duel. Dans l'habit Louis XIII, et les hauts de chausse du monarque, l'acteur John Arnold tout du long s'érigera ainsi en arbitre oscillant entre défaitisme débonnaire et impérieux désir de contrôler absolument tout.

La Fronde couve à l'époque où Racine écrit, introduisant sur scène un arrière-plan politique inaccoutumé. C'est défier le roi que de braver l'interdiction du duel, coutume qui fait dans la noblesse des saignées de centaines de morts. D'emblée Rodrigue devient un hors-la-loi, insoumis. D'emblée Chimène le perd : une fille bien née ne peut épouser le meurtrier de son père. Et de le reperdre en criant vengeance.

Redire la suite ? Comment Don Diègue suggère à son fils