Même la France d'Escoffier et de Brillat Savarin, cette France de la cuisine bourgeoise qui inventa la blanquette et le boeuf mode, se met à l'heure de la cuisine hi-tech. Oui, la France des bistrots et du sauciflard se passionne soudain pour une «haute gastronomie» délurée, moins guindée, plus frondeuse aussi. La cuisine et les cuisiniers, après avoir vénéré le terroir dans la période de crise et de repli de l'immédiat après-guerre du Golfe des années 1990, réinvestissent le champ de la technique et du design pour aller de l'avant. «La modernité progresse, et notamment le rapport nouveau à l'innovation, remarque le sociologue François Ascher(1). Celle-ci n'est plus uniquement la perfection d'une technique classique.» Elle devient le point de départ de nouvelles sensations gustatives qui naissent de l'analyse d'un produit, de sa «structure et destructure», à l'instar du menu proposé il y a deux ans par Thierry Marx à Cordeillan-Bages.
Evidemment cette cuisine fait débat. Les tenants de la ligne ultra-classique implorent le retour au «produit» comme valeur universelle du patrimoine culinaire. Mais l'avant-garde ne dit pas autre chose. Le catalan Ferran Adrià, pape de la cuisine moderne, donnait ainsi il y a deux ans une leçon magistrale pour sa première venue en France au Omnivore Food Festival du Havre. Mille cuisiniers étaient alors subjugués par sa manière unique de sous-cuire de simples moules ou des langoustines pour en tirer l'iode primaire. «J'ai moi aussi commencé avec