Mais qu'est-ce qui se passe ? Le plateau tourne en sens inverse des aiguilles d'une montre. Sur cette scène circulaire, paravents et meubles peints délimitent des espaces précaires: telle porte est-elle de placard ou d'entrée ? Telle pièce la chambre ou la cuisine ? Où est-on ? Dans un appartement collectif ? Dans un immeuble entier, façon la Vie mode d'emploi ? Et qui est qui ?
Pères, mères et fils se ressemblent. On patauge, comme au début d'un roman russe aux dizaines de personnages. Ils ne sont pas si nombreux pourtant, mais on n'est pas sûr qu'ils n'échangent pas leurs rôles. Ni que les scènes suivent un ordre chronologique. On n'est sûr de rien, d'ailleurs on s'en fiche et c'est formidable.
On est à Moscou en 1931. La vie est absurde, la promiscuité épuise. Comment construire le communisme quand votre femme vous trompe ? Qu'on attend le tramway une heure et que les ampoules sont grillées ? Que la peur rôde ? Et est-ce qu'on peut rêver d'être Balzac et présider une commission d'épuration ? Ce n'est pas un cauchemar, mais une farce, écrite par un homme qui s'apprête à passer trente ans dans le silence forcé et la vodka. Pilier pathétique du bar de l'hôtel Metropole et du Café national à Moscou, Iouri Olecha est mort dans l'oubli, en 1960.
Ivrogne. Il a 28 ans en 1927 quand il publie l'Envie (1), roman phare des jeunes lettres soviétiques. L'histoire de la rencontre entre un fabricant de saucisson et un jeune ivrogne. Il en a 32 quand il écrit le Mendiant ou