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Libération
Critique

Marivaux six sur six

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publié le 22 novembre 2007 à 1h37

Paulina, femme de Sénèque, désira mourir comme lui, le jour même du suicide exigé par Néron. Dans la Seconde Surprise de l'amour, il est fugitivement question du philosophe latin, ce stoïcien qui savait tout sur la brièveté de la vie. Ici, chez Marivaux, le nom de Sénèque est soudain prononcé cinq fois, comiquement, à l'approche du troisième acte, avant la mise à pied du lecteur attitré de la Marquise, Hortensius, une sorte de coach dirait-on aujourd'hui, censé distraire la jeune veuve en lui enseignant les belles lettres, la morale, la philosophie.

Inconsolable. Ce précepteur était dans la place, y avait apporté ses livres, tournait des madrigaux pour amuser la suivante de la Marquise, Lisette, avait trouvé là gîte et couvert. Et voilà que, par surprise, l'amour bouscule tout, dérange tout : arrivé en inconsolable ayant perdu une fiancée entrée dans les ordres, le chevalier ouvre les yeux. Que trouve-t-il ? Un chagrin qui, de la même façon, est en passe de s'estomper chez la maîtresse de maison. Dilution du souvenir du mari mort, progressif réveil de la coquetterie, petits ressentiments en route vers la jalousie.

Malentendu. Ces deux-là probablement se sont découverts à cause de leurs douleurs respectives, simultanées (Bataille appellerait cela «communication par la blessure»). Il leur faut du temps. Ils s'empêtrent, maintiennent le masque de l'amitié, n'osent, s'inquiètent. Se fâchent, se réconcilient, friment, se rétractent. Le malentendu se fauf