Sur cette photo de 1950 où on la voit nue,de dos, devant un miroir de salle de bain, Simone de Beauvoir est chaussée d'escarpins clairs ou de pantoufles à talon. On en fait trop et partout avec la publication de l'image en couverture du Nouvel Observateur. Elle a simplement rappelé, chez ceux qui la défendent comme chez ceux qui s'en indignent, le vieux fond de grivoiserie qui oriente souvent le premier sexe. Dans l'escarpin de Beauvoir, le champagne qu'ils continuent de boire en riant est éventé. Truffaut, Almodovar: seuls ces regards d'enfant remettent Cendrillon sur ses escarpins, comme des gestes de fées, loin des autres (familles, journaux, sociétés de toutes sortes). Christian Louboutin, rêveur d'escarpins chics,remarquait un jour qu'une femme regarde d'abord sa silhouette chaussée, puis, si elle lui convient, se met, alors seulement, à observer le soulier comme une biche évaluant ses sabots après les avoir essayés, loin des fauves, autour du point d'eau. Un escarpin doit être chaussé sous un corps nu dans l'intimité, en l'absence de témoins. C'est un objet sauvage et résistant, prêt à crever l'oeil ou le coeur de qui s'approche un peu trop près. Cendrillon chausse ses pantoufles de vair pour aller au bal quand sa regrettable famille est absente. Les uns y boivent du champagne; d'autres y oublient leur malheur. A Chicago, où la photo fut prise, le corps de Beauvoir renaissait par son amant américain, Nelson Algren. Cendrillon entrait enfin au bal de la chair. Dans la
VARIATIONS SUR ESCARPINS
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par Philippe Lançon
publié le 9 février 2008 à 2h24
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