Dessinateur, calligraphe, performer, le chorégraphe Saburo Teshigawara est japonais mais pas butoh. Sa danse vient d'ailleurs, de ses propres expériences. S'il connaît bien la technique classique, il a su lui associer d'autres façons traditionnelles de bouger. Le qi, par exemple, circulation ininterrompue de l'énergie des pieds à la tête, des verticales aux sacrales. Cela pourrait ressembler à de la tecktonik, les jambes en plus et les bras nettement plus libérés. Mais c'est du Teshigawara, danseur prodigieux de 54 ans qui aima s'enterrer pendant huit heures d'affilée pour rompre son corps à sa propre discipline.
On a vu de lui et de sa compagnie Karas (Corbeau) des pièces souvent radicales, une sur le son tonitruant à Avignon, une autre si sensible avec des aveugles pour Lille. A chaque fois, c'est une redécouverte, même si le style est repérable : abstrait, rapide, sobre, épuré.
Glass Tooth, sa récente création présentée au Maillon de Strasbourg et jusqu'à dimanche à Chaillot, est un véritable casse-tête technique. Le plateau n'est nullement recouvert du conventionnel tapis de danse. Il intègre deux bacs, eux-mêmes plateaux, remplis de morceaux de verre brisé. Cela nécessite quelques «ajustements» pour éviter les blessures. Le résultat est splendide. Le verre suppose le danger, la coupure, le sang. Mais ici, tout est clean, presque glacial. Seule la poussière qui s'échappe du sol à chaque fois qu'un danseur y imprime un pas indique qu'il s'agit bien d'une matière viva