C'est une histoire en deux
plans séquences. L'un
dans l'ombre, l'autredans
la lumière. Mars 2005 : Gérald
Passédat tourne comme un fauve
en cage dans une rotonde vitrée
ouvrant sur la mer. Le lieu possède
ce charme légèrement vulgaire et
dépassé de la restauration des années
80, quand l'argent coulait à
flots sur les Relais et châteaux et
que le Petit Nice de papa Passédat
accueillait la fine fleur de cette
clientèle. En 2005, après bien des
facéties et quelque pétages de
plombs sans doute salutaires, le
fils s'interroge sur le cap à tenir, le
style de cuisine à forger pour les
dix ans à venir. Il a le regard
sombre, la mèche de cheveux inquiète
de savoir si l'on a bien compris
cette cuisine "qui n'a pas
grand-chose à voir avec le répertoire
marseillais". Il s'en excuserait
presque par avance, comme habitué
des coups de pied aux fesses
prodigués par une clientèle beaucoup
plus attachée aux convenances
qu'aux saveurs nouvelles.
On le rassure. On a bien compris sa
"Bouille-Abaisse", contre-pied léger
et ultra iodé du plat original,
succession de baudroie, vive, mostelle,
galinette, coupés au cordeau
façon sushi et cuits à la minute
avant d'être disposés sur un
bouillon gélifié translucide et safrané.
Décomposition simple mais
pleine d'élégance. Peut-être le plat
passerelle, celui de la réconciliation
entre un homme et sa ville.
Mais à l'époque, Passédat reste
pour beaucoup le vilain petit canard
de sa génération. Ce fils qui a
moins réussi que son alter ego Michel
Troisgros. Ce quadra moins
célèbre que ses amis Passard ou