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Critique

Petit Nice devenu grand

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Une troisième étoile Michelin pour le restaurant du Marseillais Gérald Passédat, chef caractériel longtemps considéré comme un fada.
publié le 8 mars 2008 à 2h45

C'est une histoire en deux

plans séquences. L'un

dans l'ombre, l'autredans

la lumière. Mars 2005 : Gérald

Passédat tourne comme un fauve

en cage dans une rotonde vitrée

ouvrant sur la mer. Le lieu possède

ce charme légèrement vulgaire et

dépassé de la restauration des années

80, quand l'argent coulait à

flots sur les Relais et châteaux et

que le Petit Nice de papa Passédat

accueillait la fine fleur de cette

clientèle. En 2005, après bien des

facéties et quelque pétages de

plombs sans doute salutaires, le

fils s'interroge sur le cap à tenir, le

style de cuisine à forger pour les

dix ans à venir. Il a le regard

sombre, la mèche de cheveux inquiète

de savoir si l'on a bien compris

cette cuisine "qui n'a pas

grand-chose à voir avec le répertoire

marseillais". Il s'en excuserait

presque par avance, comme habitué

des coups de pied aux fesses

prodigués par une clientèle beaucoup

plus attachée aux convenances

qu'aux saveurs nouvelles.

On le rassure. On a bien compris sa

"Bouille-Abaisse", contre-pied léger

et ultra iodé du plat original,

succession de baudroie, vive, mostelle,

galinette, coupés au cordeau

façon sushi et cuits à la minute

avant d'être disposés sur un

bouillon gélifié translucide et safrané.

Décomposition simple mais

pleine d'élégance. Peut-être le plat

passerelle, celui de la réconciliation

entre un homme et sa ville.

Mais à l'époque, Passédat reste

pour beaucoup le vilain petit canard

de sa génération. Ce fils qui a

moins réussi que son alter ego Michel

Troisgros. Ce quadra moins

célèbre que ses amis Passard ou