Le designer jouit d'une domination
sans précédent, qui s'étend
aux entreprises les plus diverses
(de Martha Stewart à
Microsoft) et à tous les groupes sociaux.
Il n'est plus nécessaire aujourd'hui d'être
indécemment riche pour exister comme
sujet designant et designé que le produit
en question soit votre maison ou
votre entreprise, votre visage affaissé (design
chirurgical) ou votre personnalité fatiguée
(design de médicaments), votre
mémoire historique (design de musée) ou
l'avenir de votre ADN (design d'enfant).
Ce "sujet designé"serait-il le rejeton non
désiré du "sujet construit", tant vanté par la culture
post-moderne ? Une chose en tout cas est sûre : alors
que l'on pensait que le circuit consumériste ne pouvait
aller plus loin dans sa logique narcissique, il y est
parvenu. Le design favorise l'avènement d'un circuit
de production et de consommation en voie d'atteindre
la perfection, sans laisser beaucoup d'"espace
de jeu"pour quoi que ce soit d'autre. [...]
Le monde du design total est donc loin d'être neuf :
imaginé par l'Art nouveau, il fut redéfini par le Bauhaus,
et s'est répandu depuis sous forme de clones
institutionnels et de marchandises de contrefaçon.
Mais il n'a vraiment trouvé son aboutissement que
dans notre présent pancapitaliste. Il n'est pas difficile
d'expliquer pourquoi. Au temps de la production
de masse, la marchandise était sa propre idéologie,
la Ford T sa propre publicité. Son principal attrait résidait
dans l'abondance du même. Mais bientôt cela
ne fut plus suffisant. Il fal