Qu'il s'abrite derrière le loufoque n'a pas suffi : son
cinéma respire l'intelligence à chaque plan. Aussi, quand on
demande à Francis Ford Coppola qui, à ses yeux, symbolise
aujourd'hui la liberté absolue dans le cinéma américain, l'ogre
ne consent à livrer qu'un seul nom : Wes Anderson. Et c'est le
même nom du même jeune homme au génie subtil qui
revient dans la bouche de ses comparses générationnels
James Gray et Paul Thomas Anderson (qui n'est pas son
frère). Wes Anderson est un frêle trentenaire élégant (il a ses
entrées dans la mode, des alliés comme Marc Jacobs ou Jean
Touitou/APC) aux allures de gosse en qui beaucoup,
longtemps, n'ont vu qu'un amuseur surdoué, un doux dingue.
Jusqu'à l'éclat délirant et élégiaque de La Vie aquatique il y a
trois ans. Alors qu'aujourd'hui sort son quatrième film, A bord du Darjeeling Limited, deux camps s'affrontent : il y a les
blasés, qui lui reprochent déjà de faire du Wes Anderson. Et il
y a ceux, comme nous, qu'il a fallu faire sortir de la salle de
projection. Parce qu'à force de rire, on gênait. Car tout dans
cette expédition aux Indes de trois frères d'une élégance
toute ahurie nous emporte : la grandeur racée d'Adrian
Brody, la raideur panique de Jason Schwartzman
(coscénariste du film), la figure cassée d'Owen Wilson, les
caméos de Bill Muray, de Barbet Schroeder et de Natalie
Portman, les bizarreries autorisées (dix minutes de prologue
dans un hôtel parisien !). Sans parler de cette obsession
inattendue pour un vieux morceau de Peter Sarstedt,
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