Avec Cannibales s'achève la trilogie entreprise il y a un peu plus de cinq ans par l'auteur Ronan Chéneau et son comparse, le metteur en scène David Bobée, pour dire le malaise d'une génération, celle des gens nés comme eux à la fin des années 70. Leur sentiment d'impuissance, leur incapacité à exister face au chaos du monde laissé par les «pères» dans la foulée de 68.
En cinq ans, le geste artistique s'est affirmé. Le regard de ces artistes longtemps couvés par Eric Lacascade au sein du CDN de Caen - où Bobée et Chéneau initièrent le Laboratoire d'imaginaire social - a mûri. Après la jeune femme de Res/Persona et son alter ego masculin dans Fées, Cannibales s'ouvre sur les retrouvailles d'un couple dans un salon au design un peu toc, tel qu'on en trouve sur catalogue. Des personnages moins adolescents que leurs prédécesseurs - la figure de Res/Persona (Clarisse Texier, très bien) réapparaît ici pour une déclaration d'amour à Spiderman - mais rétifs encore à cet âge adulte qui ne leur réserve pas d'autre avenir que celui, vain et anesthésiant, de consommer. D'être des prédateurs - bouffer ou être bouffé -, des cannibales. Tant et si bien qu'un soir, enlacés, ils s'immolent.
Le spectacle s'ouvre sur cette révolte muette ; la suite déroule la somme des désillusions qui les ont conduits au geste fatal. Ici, les interprètes s'apparentent moins à des personnages qu'à des sortes de porteparole, des témoins dont les visages captés par des caméras vidéo en