La modernité se cache dans des endroits surprenants. On reçoit un jour le catalogue d'«ouvrages de dames» Sajou. Il faut oser le terme. A l'ouverture, on n'est pas déçu : c'est une plongée dans un autre monde, celui des travaux d'aiguilles, du point de croix et des dés en porcelaine. Un monde qu'on croyait englouti. On se dit : «Ça existe encore, ça ?» Eh bien oui. Mieux, ça prospère sur le terreau d'une paradoxale adaptation à notre époque. Explications.
Précieuses. Frédérique Crestin-Billet, 46 ans, a commencé à collectionner des objets de mercerie il y a trente ans. Le monde étant divisé entre les jeteurs et les gardeurs, elle a vite découvert qu'elle faisait partie des seconds et s'est entichée de toutes ces jolies petites choses de couture, produites par des firmes disparues pour la plupart. Au fil, si l'on ose dire, des achats, elle acquiert des albums Sajou, édités en leur temps par la maison fondée en 1828 par Jacques-Simon Sajou. Les albums sont des modèles d'abécédaires à broder, qui formaient des séries. Voilà qu'un jour, Frédérique Crestin-Billet casse sa tirelire pour acheter celui qui lui manquait, «à un prix de folie», dit-elle. Traumatisme de la dépense inconsidérée ? A trois heures du matin, elle a l'idée de taper Sajou sur le site de l'Inpi, l'Institut de la propriété industrielle. La marque est libre, elle la dépose. La voilà repreneuse de la maison de Jacques-Simon Sajou, tombée dans le domaine public. Vive les facilités modernes de l'