Une nouvelle affaire secoue le milieu des historiens, autour d'une question d'apparence très pointue. Il s'agit de savoir à qui l'Occident chrétien doit d'avoir reçu l'héritage du rationalisme grec, et en particulier les textes d'Aristote, dont la diffusion en Europe à partir du XIIIe siècle joua un rôle décisif dans la préparation intellectuelle de la Renaissance. Aux Arabes, ainsi qu'on le dit souvent, parfois en simplifiant ? Ou à une «filière grecque»qui, de Byzance jusqu'aux monastères du XIIe siècle, conserva, fit circuler et, finalement, traduisit les grands auteurs de l'antiquité ? C'est en soutenant la deuxième thèse que l'historien Sylvain Gouguenheim a déclenché la polémique. Sorti début avril au Seuil, son livre, Aristote au Mont Saint-Michel, a suscité de vives réactions, notamment sous la forme d'une pétition signée par 54 historiens et philosophes que Libération publie aujourd'hui en pages Rebonds (lire page 32). Au moins deux autres textes, dont un «Appel aux enseignants, élèves et anciens élèves» (Ecole normale supérieure de Lyon), circulent actuellement.
Au-delà de la querelle d'historiens - les faits présentés par Gouguenheim comme des nouveautés sont connus depuis longtemps et l'importance qu'il leur accorde est contestée -, la vivacité des réactions s'explique par les conclusions auxquelles parvient l'auteur, lorsqu'il affirme, par exemple, que l'islam n'a non seulement pas eu le rôle qu'on lui prête, mais n'a pas su mettre à profit