Cherchez le clown. Il est presque toujours là, caché à fleur de peau dans l’entrelacs des innombrables tatouages qui habillent, de la tête aux pieds, chaque membre du gang. On le découvre planqué derrière une omoplate, en équilibre sur le versant d’une épaule, niché dans un repli du cou, dans les plis d’un bourrelet ou sur le saillant d’un biceps. On l’aperçoit, petit gnome blafard aux grosses babines, lui qui est supposé amuser les enfants, se marrer ou grimacer à côté d’une fille aux gros seins ou d’une tête de mort. Il peut aussi être triste, morbide, satanique. Ou encore sourire avec de grands yeux cruels en virgules effilées comme des poignards. En tout cas, ce petit clown, le « payaso » en espagnol, amulette épidermique, apporte une note ironique dans la partie sans issue qui se joue chaque jour. Il semble dire que la vie est décidément une farce. Une farce, oui mais tragique, absolument tragique. Ce « payaso », c’est peut-être lui le symbole de la vie folle des maras, ces gangs de jeunes engagés dans une lutte à mort dans certains quartiers de San Salvador, la capitale éponyme de ce pays d’Amérique centrale – où, d’ailleurs, on a une affection particulière pour le petit monde des clowns. Une vie qui casse aussi facilement qu’une assiette. Une vie souvent aussi brève qu’un staccato d’arme automatique. Aucun membre de la Dieciocho, la Dix-huit, l’un des deux gangs de San Salvador, ne sait expliquer vraiment pourquoi le « payaso » fait partie de leur paysage intime. Pour
Reportage
Maras sang d’encre
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publié le 10 mai 2008 à 3h27
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