On est dans les seventies. Georges Gerfaut est cadre, il a moins de quarante ans et roule sur le périphérique à bord d’une Mercedes gris acier. Difficile, en ces années-là, de voir une Mercedes sans penser au « miracle économique allemand », à l’équipe de foot de RFA qui gagne la Coupe du monde 1974, et à Herbert von Karajan, l’orgueilleux feld-génie au regard métallique. Il est 2 h 30 ou peut-être 3 h 15 du matin. Georges Gerfaut a bu cinq verres de bourbon Four Roses et absorbé, il y a environ trois heures, deux comprimés d’un barbiturique puissant. Il écoute… mais on y reviendra. « La raison pour laquelle, écrit Jean-Patrick Manchette en 1976 dans Le Petit Bleu de la côte ouest, Georges file ainsi sur le périphérique avec des réflexes diminués et en écoutant cette musique-là, il faut la chercher surtout dans la place de Georges dans les rapports de production. » Georges va tuer des types parce qu’il veut être libre et parce qu’il n’y arrive pas. Il a peur. Quelque chose s’est déréglé en lui et autour de lui. Il voudrait échapper à sa place dans les rapports de production. Et il écoute, d’après Manchette, du jazz West Coast. Le premier quartet de Gerry Mulligan (1952, avec le batteur Chico Hamilton) et, à un moment, Truckin’, par le quintette de Bob Brookmeyer. Brookmeyer est un excellent tromboniste. Le quintette dont parle Manchette doit être celui qu’il a monté avec le trompettiste Clark Terry, de 1961 à 1966. Au moment où Georges roule sur le périphérique, Brookmeyer e
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