«C'est comme rouer de coups un homme et s'étonner qu'il ne tienne pas debout.» Il n'a pas fallu longtemps à Rokia Traoré pour rentrer dans le vif du sujet : l'Afrique. Sagement installée dans un ancien bordel de Pigalle recyclé en quatre-étoiles rococo, la chanteuse franco-malienne semble oublier l'objet de la visite : promouvoir son album Tchamanche (la voie du milieu). Rapidement, la discussion ne quitte plus le continent noir : corruption, ravages des trusts étrangers, ruée vers l'or, le diamant et le pétrole qui n'apportent en retour que trafic d'armes, eau polluée, villages de pêcheurs dévastés, dans un parallèle aux expulsions des sans-papiers. «L'Afrique souffre d'une contradiction, être un pays ayant trop de ressources», conclut-elle.
Depuis son troisième album, Bowmboï, en 2003, ses cheveux ont poussé. Elle a reçu un disque d'or, eu un fils (2 ans et demi aujourd'hui), monté une fondation, tourné aux Etats-Unis avec Fontella Bass et Dianne Reeves, et revisité Mozart pour le 250e anniversaire de sa naissance : Amadeus en griot à la cour de Soundiata Keita, dans une mise en scène de Peter Sellars. Elle y incluait un titre de Billie Holiday.
Elle conclut Tchamanche sur une reprise de The Man I Love : une chanson en anglais, deux en français et le reste en bambara, pour un disque évoquant autant les Etats-Unis, sur des sonorités rock-blues, que la mémoire d'ancêtres mandingues du XIIIe siècle mythifiés : «Avez-vous entendu parl