Strasbourg redécouvre son gothique. La nouvelle peut paraître inattendue, tant la ville est connue pour sa célébrissime cathédrale. Pourtant, assure Philippe Lorentz, l'exposition qu'il a montée au musée contigu est la première jamais consacrée au «gothique international» dans sa version locale. Ainsi a-t-on surnommé ce style raffiné aux silhouettes curvilignes, qui a rayonné à partir du XIIIe siècle de Londres jusqu'à Naples en passant par l'Empire germanique. On en retrouve la délicatesse dans ces Vierges alsaciennes sculptées dans le tilleul, à l'image des Belles Madones d'Europe centrale, qui sont autant de traces de l'amour courtois. Ou encore en architecture, dans la monumentale élégance de la flèche que Jean Hültz de Cologne termine de poser sur la cathédrale en 1439. Une section de l'exposition est dédiée à ce prodigieux chantier, renouvelant les spéculations sur la bizarre stratification de l'édifice (1).
Doutes. On rêve de ce que dut être alors la production picturale de cette cité marchande en plein essor, capable d'édifier une architecture aussi grandiose. Malheureusement, presque tous les tableaux ont été détruits, en premier lieu par les protestants, emportés par leur haine des images saintes. Philippe Lorentz profite de l'occasion pour rassembler des morceaux épars, cherchant, avec quelques audaces, à cerner le corpus de créateurs qu'il voudrait bien définir comme strasbourgeois. Les disputes à ce sujet sont intarissables, les identifications ardu