Menu
Libération
Critique

«Porgy» saigné à blanc

Article réservé aux abonnés
publié le 17 juin 2008 à 3h55

Créé en 1935 à Boston, l'opéra Porgy and Bess de George Gershwin avait irrité nombre d'intellectuels et d'artistes noirs américains, dont Duke Ellington. Ils jugeaient cet opéra aussi caricatural que la Case de l'oncle Tom - et ils n'avaient certes pas tort. Tous les ingrédients sont là pour stigmatiser la communauté des descendants d'esclaves déportés d'Afrique : drogue, prostitution, pauvreté, travail acharné, jeu de hasard, etc. Sauf que le temps peut se faire l'allié curieux des oeuvres.

Coup sur coup, on a pu voir la version de José Montalvo et de Dominique Hervieu, pour l'Opéra national de Lyon (Libération du 20 mai), et celle de Robyn Orlin au théâtre national de l'Opéra-Comique à Paris. Les deux lectures sont politiques. Montalvo et Hervieu, sur fond d'émeutes raciales, dénoncent la ségrégation, du Bronx à La Courneuve en passant par Vaulx-en-Velin. Robyn Orlin fait de même, dans un autre contexte. Elle projette sur un écran mobile un documentaire muet de Philippe Lainé, tourné en vidéo numérique dans les bidonvilles des cités sud-africaines.

Casting. Que ces deux mises en scène soient signées par des chorégraphes n'est pas innocent. La danse, parce qu'elle a intégré depuis longtemps dans ses compagnies des interprètes de toutes nationalités et origines, est sans doute bien placée pour avoir et proposer une vision aiguë de la question raciale. Gershwin lui-même, en composant puis orchestrant sa partition, entre 1934 et 1935, ne céda pas sur la dist