Envoyé spécial à Saint-Nazaire
Cinq mille disques vinyle jetés à terre, un paillasson de musique abandonné sur lequel les visiteurs, en entrant, s'essuient les pieds : à Saint-Nazaire, cette pièce de Christian Marclay ne se contente pas d'ouvrir les 1 600 m2 de l'exposition «Sonic Youth etc. : Sensational Fix», elle en est aussi le parfait résumé. Elle met à hauteur de caniveau les détritus inutiles et magnifiques de cinq décennies de consommation affolée.
Sonic Youth, groupe new-yorkais arty par excellence et combo punk expérimental par essence, n'a jamais dit autre chose depuis 1982 : inventer, c'est faire les poubelles de la pop culture, regarder chaque chose (dessin, collage, affiche, revue porno, morceau de punk hardcore) comme une oeuvre d'art potentielle.
Kim Gordon (basse), Thurston Moore (guitare), Lee Ranaldo (guitare) et Steve Shelley (batterie) ont aujourd'hui un fringant début de cinquantaine, et personne pour remettre en question leur statut de tête chercheuse. Partis à l'aube des années 80 avec une longueur d'avance sur l'avant-garde, le poids mort du punk les a libérés. Ils en ont conservé l'idée (elle-même piquée au mouvement Fluxus) que l'art était toujours une question de débordement.
Défricheur. Leur musique (d'abord rêche, blanche, puis pop avec le temps, et aujourd'hui de nouveau expérimentale mais teintée de mélancolie), en se moquant des cadres, n'a, depuis, cessé de dialoguer avec le cinéma (Mekas, Brakhage, Todd Haynes, Van Sant, Harmony Korine, Assayas