Avec cinquante-cinq ans passés dans l'industrie du disque, et une association cruciale pour les carrières respectives de Ray Charles, Aretha Franklin, Wilson Pickett, Otis Redding, Dusty Springfield et des dizaines d'autres encore, il est facile d'oublier que Jerry Wexler n'a rejoint le label de disques Atlantic qu'à l'âge de 36 ans. Et qu'en plus d'un redoutable requin businessman au caractère tyrannique, il était aussi un charmeur doublé d'un intellectuel, ayant même publié dans les années 40 des nouvelles dans Story Magazine aux côtés de Capote, Saroyan, Salinger, Caldwell, Fante et Bukowski (sa troisième et dernière épouse, Jean Arnold, est écrivaine).
Jerry Wexler est mort vendredi dernier dans sa maison de Saratosa en Floride, d'une congestion. Il avait 91 ans. A l'été 2002, Solomon Burke racontait dans ce journal comment il venait de convertir son ancien producteur et lui faire rejoindre son église. «Il répond au téléphone : "Right Reverend Jerry Wexler", rigolait Burke. Je lui permets de faire les circoncisions.»
Bouges. Ce n'était pas là la moindre contradiction de cet être compliqué : athée endurci, malgré un physique de rabbin polonais, Wexler a passé la moitié de sa vie à travailler avec des Noirs baptistes ou des filles de prêcheur, à fabriquer une musique qu'on allait bientôt appeler soul. Lui revendiquait seulement d'avoir fait changer, lorsqu'il était reporter au magazine Billboard, le Top Ten Race Records en Top Ten Rhythm'n'Blues.