Deux monstres sacrés se partagent à Paris les cimaises de la Fondation HCB. Le maître des lieux, Henri Cartier-Bresson (1908-2004), photographe français turbulent, déclamant du Mallarmé pour se calmer, et Walker Evans (1903-1975), photographe américain épris des poètes de la Vieille Europe.
Cartier-Bresson se rêvait cinéaste, ou peintre ; Evans, écrivain. Fifty-fifty, les voici à égalité, 43 tirages chacun, pour une exposition simplement titrée : «Photographier l'Amérique (1929-1947)». Aucune compétition dans le propos, il ne s'agit pas de réviser le cours de l'histoire ou de les opposer dans leur esthétique, mais plutôt de voir comment l'un et l'autre ont, à leur façon, bousculé les codes du reportage contemporain. Précision : ils s'estimaient, et ont même exposé ensemble (avec le Mexicain Manuel Alvarez Bravo) à la galerie Julien Levy, en 1935 à New York. Evans sera aussi le premier photographe américain à être présenté en solo au Museum of Modern Art, en 1938.
Cruelle réalité. L'Amérique de Walker Evans ne fanfaronne pas. Cruelle réalité, la crise de 1929, dont, avec James Agee, il montrera sans affect la brutalité avec Let Us Now Praise Famous Men («Louons maintenant les grands hommes»), portraits de métayers d'Alabama. Evans se veut «révolté, antiaméricain», tout en se déclarant «profondément épris» de son pays. C'est un homme de contradictions. Il apprécie l'ironie, mais la nature «l'ennuie à mourir». Plus que tout, il aime la solitude, telle