Commençons par la nuit, puisque c'est le moment où les masques, loin de tomber, s'installent. C'est à l'étage, première salle : «Nuits de Berlin». Le tableau s'intitule Slovènes. Il date de 1911. Emil Nolde a 44 ans, c'est un fils de paysan qui a débuté par la gravure sur bois, il y a pris le sens de la matière et d'un folklore minéralisé ; comme peintre, il n'est reconnu que depuis six ou sept ans. Son expérience avec le jeune groupe Die Brücke n'a duré qu'à peine deux ans, jusqu'en 1907. Trop individualiste, trop méfiant, probablement trop dispersé par les querelles directes. C'est le moment où il devient «démon de la couleur», premier des expressionnistes allemands.
«Intuition panique». On a pu voir cet été, aux Sables d'Olonne, en Vendée, certaines des 1 300 sublimes aquarelles peintes pendant la Seconde Guerre mondiale. Aucune rétrospective n'avait jusqu'ici été consacrée en France à ses tableaux et à son œuvre graphique.
Mais, pour le présenter, laissons un critique imaginaire faire le boulot - celui qu'inventa Siegfried Lenz, en 1968, dans le roman inspiré par la vie de Nolde, la Leçon d'allemand : «Intuition panique des forces naturelles», «puissant pathos expressionniste». Le marchand Paul Cassirer, qui l'expose, y voit«un art appartenant à l'élite des ordures». Vous en savez assez, continuons.
Le couple de Slovènes est assis sur fond rose rouge. Ils se tiennent droit derrière deux coupes à moitié pleines et