Tout en rires cannibales, Grace Jones revient d'entre les fantômes d'une autre décennie. Elle s'esclaffe de sa grâce retrouvée, telle l'héroïne d'un tour de magie évaporée hier pour réapparaître à l'instant, habillée et chapeautée de noir, presque inchangée malgré ses soixante ans. Quelques huîtres arrosées de Tabasco servent d'apéritif en ce crépuscule d'automne quand, à l'arrière-plan, un ballet d'assistants virevolte dans l'antre de la diva. Le spectacle est extravagant et le cadre doré, celui d'une terrasse dominant Paris où elle s'amuse, car cela l'a toujours amusée, à déborder du cadre. Faire fi des heures, des souvenirs et des conventions. Se coucher avec l'aube et émerger au crépuscule, arriver à minuit quand on l'attend à vingt heures ou délivrer un nouvel album ce mois-ci, après vingt ans d'absence. A la curiosité suscitée par une si longue retraite, elle s'enroule de désinvolture comme d'un boa à plumes : « Je vous ai peut-être manqué. A moi, le temps n'a pas paru si long. » Déesse des dualités. Ce visage anguleux, ces lèvres géantes, ce corps d'acrobate sont parmi les images-clés des années 80, nocturnes et jouissives, dont Grace Jones fut l'une des déesses. Homme, femme, noire, blanche, garce et androgyne à la fois ; impérieuse égérie de Warhol, muse de Jean-Paul Goude et impératrice des gays tout ensemble : Grace jouait de l'entre-deux et de la provocation avec la gracieuseté d'une ballerine filant sur scène chaussée de godillots. Et tant pis pour la c
Grace anatomie
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publié le 25 octobre 2008 à 18h29
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