Laurent Joly, organisateur du colloque, chercheur au Centre de recherches d’histoire quantitative, a surtout travaillé sur la délation antisémite sous l’Occupation.
Que cherchent l’historien en travaillant sur la délation ?
C’est un matériau très riche pour qui veut comprendre la nature d’un régime autoritaire ou totalitaire, et au-delà de tout régime qui désigne à la vindicte publique des catégories entières de population : Juifs, francs-maçons, résistants. Emanant a priori de supporters de ces régimes, les lettres de dénonciation permettent d’analyser en détail les motivations de ce soutien, et les mécanismes d’adhésion. C’est la parole des gens qui ressort brutalement ; cela permet de comprendre beaucoup de choses, notamment le fonctionnement intime de la société sous l’Occupation.
Quid du régime de Vichy ?
Il est trop tôt pour faire une synthèse, car il y a un retard très net de l’historiographie française sur la délation. Alors que ce travail a déjà pu être fait pour l’Allemagne nazie, l’Italie fasciste ou encore l’URSS, où les études ont commencé il y a une vingtaine d’années.
Que manque-t-il pour avoir une vue globale du phénomène ?
Il reste à mener beaucoup de recherches locales ou ponctuelles, par exemple la délation en zone sud, ou la dénonciation des communistes, ou encore du marché noir. Nombre de fonds d’archives restent à analyser, celles de l’administration, celles des polices parallèles de Vichy, les mains courantes des commissariats de quartier. Les premières études, basées uniquement sur les archives du commissariat général aux questions juives, ont induit des erreurs de perspective. Il faudrait auss