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Libération
Éditorial

Les saintes séries

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publié le 6 décembre 2008 à 14h39

C’était il y a une éternité. Dans les bureaux, les portables reprenaient la sonnerie métallique du standard de la CTU. Jack Bauer, l’homme qui ne dormait jamais pour protéger David Palmer, le premier président noir américain, venait de débarquer sur les écrans français. On sentait bien qu’un genre nouveau, hybride et addictif venait de naître. La France, elle, s’est longtemps contentée de montrer de gentils instits, des brocanteurs tolérants ou des avocats commis d’office inépuisables. Tous étaient censés panser les plaies de la société avec leurs bons sentiments et leurs regards pleins de commisération. La période néanderthalienne prit fin quand Canal+ décida de bâtir des fictions qui devaient restituer de manière la plus réaliste possible des milieux professionnels complexes (la Bourse, la presse, le couple police-justice et son quotidien glauque) ou des particularismes très français (la Corse). Du coup, les réalisateurs et les acteurs de cinéma commencèrent à considérer les séries autrement que comme un moyen rapide de payer ses impôts. Le temps d’attente entre deux saisons est encore trop long mais la machine est lancée. Avec Rien dans les poches (lire p 40), Marion Vernoux signe une chronique ambitieuse de la France de ces vingt dernières années. Pendant ce temps-là, Barack Obama prenait la place de David Palmer à la Maison Blanche et David Chase, le génial chef d’orchestre des Sopranos, a sorti de son chapeau Mad Men, un récit acide sur l’Amérique du début des années