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Libération
TRIBUNE

«Slumdog» missionnaire

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par Tarun J. Tejpal
publié le 4 mars 2009 à 6h51

Nous aimons tous la guimauve sentimentale, surtout si elle peut se déguiser en quelque chose d'artistique et de sérieux. Souvent, d'ailleurs, elle n'a même pas besoin de ça, car, dans un acte d'auto-affirmation, nous lui conférons ces vertus. Slumdog Millionaire est une nouvelle représentation de plus de l'Inde telle que l'occidental la voit, et non telle que nous la voyons. C'est une tradition vieille de cinq cents ans. Regardez attentivement. L'image triomphante publiée dans les journaux pourrait être celle du missionnaire illuminé entouré d'enfants indigènes. La tradition est coriace : nous avons toujours été à l'aise avec les représentations. Il est bon de se rappeler que nous n'avons pas raconté une histoire indienne ni obligé le monde à l'admettre. On nous raconte une histoire indienne et on nous force à l'applaudir.

Un peu comme Thomas Babington Macaulay qui, retranché derrière le mousquet du colonisateur, déclarait : «Une seule étagère de livres d'une bonne librairie européenne vaut toutes les œuvres littéraires de l'Inde et de l'Arabie.» Les yeux fixés sur le canon du mousquet, nous avons acquiescé en silence. En silence, nous avons tourné le dos à des centaines de textes classiques et médiévaux - y compris les grands poèmes épiques que sont les Védas, les Purânas, les Upanishads -, aux traités médicaux, éthiques, linguistiques, érotiques et politiques d'une pléiade de penseurs révolutionnaires, à la poésie humaniste et philosophique des soufis et d