Le Full Frame Festival de Durham, en Caroline du Nord, est une sorte de lanterne sombre et magique éclairant un monde dur au milieu de nulle part. Une cinquantaine de documentaires de tous pays sont projetés pendant quatre jours, début avril, dans quelques cinémas au cœur d’un minuscule centre-ville quasiment désert. La manifestation, sponsorisée par l’université privée de Duke, l’une des meilleures du pays, a lieu à deux pas de splendides bâtiments de briques : les usines closes de ce qui fut jadis la capitale internationale du tabac. On produisait ici, au début du siècle dernier, la majorité des cigarettes mondiales. Des plaques, sur les murs, le rappellent. Chesterfield a dédié la sienne, en 1948, « aux millions d’hommes qui fument une cigarette qui les satisfait ». A un kilomètre, il y a le campus de l’université. Sa partie ouest a été construite grâce à l’argent du tabac. Fumer y est interdit. Il y a dix ou quinze ans, le centre de Durham ressemblait à Roubaix : des rues cariées de souvenirs industriels. On tente aujourd’hui, comme partout, de relancer l’espace en l’embourgeoisant. De ce lieu attachant mais indéterminé jaillit, sous forme de génies documentaires plus ou moins efficaces, la vie d’un mannequin druze qui doit renoncer à sa carrière sous la pression de sa communauté, les rencontres de plus en plus intimes entre une exilée iranienne et l’épouse du Shah d’Iran, les compétitions de seconde zone d’un vieil haltérophile écossais, la lutte des habitants du delta
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