On connaît le style Cantona mais à l'oral, attablé à la table d'un restaurant, ce qui frappe c'est sa diction et cette façon de laisser suspendre de longs blancs entre les mots. Les phrases ont du sens. Les silences aussi. Il est là pour parler de son dernier coup de dés Looking for Eric, film signé Ken Loach, présenté en sélection officielle à Cannes. Pour prévenir tout malentendu, Eric Cantona précise que ce n'est ni « un film sur le foot, ni un film sur moi ». Il a raison : le dernier film du réalisateur anglais raconte pêle-mêle le désarroi amoureux d'un facteur pour une femme qu'il n'a pas vue depuis vingt ans, les tournées de bières entre supporters le samedi soir qui déforment les maillots de Manchester United, les gangs issus de la paupérisation, l'ennui adolescent entre porno et PlayStation. A l'origine de ce film, il y a un texte de deux pages d'Eric Cantona. Il y racontait l'histoire – vraie – d'un facteur de Leeds qui avait quitté sa ville pour supporter Manchester United à l'époque d'Eric le rouge. En Angleterre, l'engagement d'un fan pour un club étant une affaire sérieuse (on est supporter du Leeds United ou de West Ham depuis des générations), le type perdit sa femme, son boulot, reçut des menaces de mort. « Son destin m'a touché », raconte sobrement Cantona. Il a fallu ensuite trouver un réalisateur. « Un metteur en scène qui ne connaissait rien au foot ne pouvait pas faire ce film », explique-t-il. « Un Français n'aurait pas pu le faire non plus. J'avais pe