Il y a mille et une raisons à l'origine de cette utopie cinquantenaire qu'est le ministère de la Culture. Beaucoup sont issues de notre histoire et du rapport complexe que nous avons toujours entretenu avec l'art, mais il y en a une qui s'impose au-delà de toutes les autres. Elle est la même que celle qui présida à la naissance de l'Europe, cet autre miracle politique. Elle est écrite en creux des grandes lois et des constitutions de l'époque comme une malédiction faite à la guerre. Issu des idéaux de la IIIe République, des espoirs du Front populaire, du lien particulier qu'a toujours entretenu le pouvoir français avec le milieu de l'art et des artistes et de quelques idées fortes autour de la démocratisation, le ministère de la Culture est d'abord et avant tout «le fils vulnérable de l'angoisse» qui a saisi le monde à l'ouverture des camps.
Il n'est qu'à relire les premiers discours d'André Malraux pour se convaincre que la France, au-delà de la volonté de tenir son rang dans le concert des nations, entendait faire de la culture la réponse des forces de l'esprit «contre les puissances de la nuit», en un mot traduire en terme de politique publique le «plus jamais ça !» Depuis, le ministère a inventé des programmes, qui ont fait d'un pays qui compte autant de communes que le reste de l'Europe, un réseau étonnant d'initiatives et d'institutions. Il a su agréger au pari de base, réduit essentiellement à «l'héritage de la noblesse du mon