Je l'avais repérée au bar de l'hôtel. Une blonde longue comme une liane et fringuée d'une brume de soie grège qui cascadait le long de sa silhouette chaque fois qu'elle esquissait un geste. Elle sirotait le contenu d'un verre givré et regardait le monde comme si elle venait de le payer cash. Je ne sais plus trop ce que je foutais là. Cécilia m'avait clairement fait comprendre qu'elle n'était plus de service. Bush était parti se coucher sitôt la dernière bouchée avalée, Kouchner causait anglais au milieu d'une bande de hippies attardés et Boorlo avait entamé une longue traversée longitudinale du bar, une sorte de chemin de croix vers un golgotha qu'il envisageait sûrement de grimper à quatre pattes. Quand à Rachida… Tiens, c'est vrai. Elle était où, celle-là ? La dernière fois que je l'avais vue, elle se faisait expliquer les mérites de la lethal injection par le gouverneur du Texas. Elle avait l'air vachement intéressée, mais je la connais ma Rachida. C'est une vraie midinette. Suffit qu'elle ait un coup de champ' dans le nez et une robe Dior sur le dos pour qu'elle se prenne pour Marie-Antoinette. Bref, j'étais seul devant un Perrier rondelle que je faisais durer parce que, justement, j'ai horreur d'être seul et que je ne me suis pas fait chier à raconter des craques à soixante millions d'individus pour me retrouver en tête à tête avec moi-même au bar d'un palace new-yorkais.
Soyons juste, seul n'est pas le mot tout à fait adéquat quand, à deux mètres de vous, les j