Il ne peut échapper au regard ni à la curiosité du voyageur qui effectue la liaison Paris-Orléans. Long de dix-huit kilomètres, récemment amputé afin de permettre le passage de l'autoroute A19, support involontaire pour graffitis anti-avortement, voici l'unique vestige d'une démesure toute gaullienne. Un rail de béton traversant la Beauce telle une cicatrice toujours ouverte ; une blessure qui rappelle la mort de l'aérotrain, l'invention futuriste de l'ingénieur Bertin. Ce compromis entre l'avion et le train - l'aérotrain décolle, vole et atterrit - aurait dû relier Paris à Orléans en moins de vingt minutes, contre une heure aujourd'hui encore. Et faire de la capitale du Centre une banlieue verte. «Le rêve fou d'une ville à la campagne», comme le regrette un témoin dans le documentaire l'Aréotrain d'Outis Niekesa (1).
Depuis l'abandon du projet par Valéry Giscard d'Estaing en juillet 1974, puis l'incendie du dernier prototype commercial en 1992, la rumeur d'un complot politico-industriel ne faiblit pas. «A l'époque de l'expérimentation de l'aérotrain, la SNCF avait pris des parts dans l'affaire, non pas pour soutenir le projet, mais pour le fliquer», affirme Michel Guérin, maire communiste de Saran (Loiret) et ancien cheminot. Dans ses mémoires, à paraître en octobre, l'élu se fait plus précis sur les causes de ce naufrage industriel. Il accuse directement le couple Giscard de favoritisme : «Dans notre pays, les relations privées peuven