C'est peut-être à ce moment précis que tout s'est joué. Là, dans la salle du foyer de Château-Chalon, lorsque le maire, Jean Macle, a pris son verre de vin jaune, l'a béni tendrement du regard comme s'il s'agissait d'un nouveau-né, l'a élevé comme le Saint-Graal pour en faire étinceler l'or avant de se tourner vers son hôte et l'inviter à trinquer. L'histoire, du moins la petite histoire, retenait son souffle, un souffle hitchcockien. Et les photographes de la presse régionale, alignés comme un peloton au garde-à-vous, leur doigt sur l'obturateur. Le moment allait être immortel. On était entre guerre et paix. Un chef afghan, prénommé Amin, de l'auguste tribu des Wardak, le turban impeccable et le treillis de combat négligemment ouvert sur son shalwar kamiz (la tenue traditionnelle afghane), se préparait à célébrer les noces de la résistance pachtoune et du pampre, de la poussière ocre des chemins afghans et de cette potion magique, gauloise, même si l'on suppute aujourd'hui que ce vin jaune sublime nous vient de Hongrie. C'était romantique à pleurer.
«Je suis musulman, je ne bois pas»
Le pays le plus sobre du monde rencontrait celui du nectar parfait à la faveur d'un projet de jumelage entre quatre pauvres villages de la province du Wardak et cette riche bourgade jurassienne. Deux visions diamétralement antagonistes de l'absolu, deux planètes, à des années lumières l'une de l'autre, se télescopaient sans aucun fracas. En poussant très loin les correspondances, on pouvait même en imaginer une très disc