Le bruit de l’eau se fait de nouveau entendre à Chantilly, et ce n’est pas un mince événement. Depuis quelques jours, les jets d’eau conçus par André Le Nôtre en 1665 se sont remis à jaillir dans le parc du château, à une hauteur de plus de quatre mètres, comme au temps du Grand Condé, âme des lieux. Tout cela parce qu’un autre prince, Karim Aga Khan, chef spirituel des Ismaéliens, a accepté (pour des histoires de chevaux un peu compliquées) de voler au secours du domaine de Chantilly et de son plus récent propriétaire, l’Institut de France. La maison-mère des académies n’arrivait plus à faire face aux dépenses d’entretien et de restauration de l’immense propriété, qui menaçait de se dégrader.
Retard. L'argent du prince Karim ranime donc peu à peu Chantilly sous l'œil attendri des académiciens, et le signe le plus tangible en est ce chant de l'eau revenu. Facture : 6,6 millions d'euros pour cette seule partie. Le chantier de dix-huit mois a pris plusieurs semaines de retard, si bien que le parc, qui devait être pimpant pour l'été, est encore encombré de quelques échafaudages. Mais le plus dur est fait puisqu'on a fait rentrer dans la gorge de Châteaubriand sa complainte devant le domaine dévasté par la Révolution : «Ce château, ces jardins, ces jets d'eau qui ne se taisaient ni jour ni nuit [l'image est de Bossuet, ndlr], que sont-ils devenus ? Des trophées d'armes sculptés dans un mur croulant ; des écussons à fleurs de lis effacées.»
Bassins