C'était en juillet. Des journalistes étaient invités au Mont-Saint-Michel pour découvrir le barrage qui, à force de grands lâchers d'eau, doit «désensabler» la Merveille de l'Occident. Nous parlions tranquillement de ce bel ouvrage, tout juste posé sur la rivière du Couesnon - il sera inauguré le 18 septembre -, lorsqu'un confrère fit, avec la délicatesse coutumière à notre profession, cette bruyante interpellation : «Eh mais dites donc, ça sert à quoi que le mont redevienne une île ? C'est juste pour faire joli dans le paysage ?» La question était pertinente.
Un homme âgé d'une discrète cinquantaine d'années prit alors la parole d'une voix douce : «Non, ce n'est pas pour faire joli, c'est parce que ce lieu porteur de sens n'est plus lisible. On ne le comprend plus. Entouré d'herbes et de parkings, il tourne le dos à son histoire, à sa vocation spirituelle. Voilà l'enjeu .» Plus tôt dans la matinée, François-Xavier de Beaulaincourt nous avait été présenté sous le titre de «directeur général des services du Syndicat mixte Baie du Mont-Saint-Michel». En clair : chef d'orchestre du grand projet de «désensablement». Un ingénieur dont on attendait une parole technique, et qui nous tenait soudain un discours assez singulier. A bien l'écouter, on croyait peu à peu comprendre que le grand chantier laïc et républicain (financé en majeure partie par l'Etat) pour le «rétablissement du caractère maritime du mont» était une bien belle chose, nourrie du louable