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TRIBUNE

Quelle est l’identité culturelle de l’Europe ?

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Modérateur Fabienne Pascaud, «Télérama»
par
publié le 18 septembre 2009 à 0h00

FREDERIC MITTERRAND Ministre de la Culture

Pendant plus de quarante ans, il a manqué un hémisphère au cerveau politique, culturel, intellectuel de l'Europe, à son cerveau démocratique. Car de l'autre côté du Mur, il n'y avait pas cette «Europe de l'Est», mais bien «l'Occident kidnappé», cher à Milan Kundera. Car c'était une Europe vraiment centrale, celle de Milosz, de Kieslowski, ou de Kolakowski, et de tant d'autres de nos interlocuteurs naturels. Et pourtant c'est une Europe que l'histoire avait excentrée, reléguée sur nos marges. Nous avions été dépossédés d'une partie de nous-mêmes par cette «tyrannie», si bien décrite par Gyula Illyés : «Là où il y a tyrannie, tyrannie il y a, pas seulement à la gueule des fusils, pas seulement en prison», car «là où il y a tyrannie elle est présente partout, plus que ton dieu d'autrefois, il y a tyrannie dans les crèches, les conseils du père les sourires de la mère les réponses d'un enfant à un étranger, car tu n'es plus seul même dans tes rêves.» Berlin était le symbole de cette schizophrénie forcée. C'est pourquoi la chute du Mur incarne la joie des retrouvailles de l'Europe réunifiée. Ce drame nous a laissés longtemps convalescents, mais l'Europe forme à nouveau une même famille. Chaque jour confirme que l'existence de l'autre côté du Mur était tout sauf «la vie des autres». Chaque jour, nous apprenons davantage les uns des autres, sans arrogance ni «ostalgie». Ensemble, nous façonnons aujourd'