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Libération
TRIBUNE

En hommage à l’éditeur Gérard Bobillier

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par Pierre Bergounioux, écrivain
publié le 2 novembre 2009 à 0h00

C'est en 1978 que je situerais le retournement de la conjoncture politique, la défaite de ce qu'on appelait, depuis la fin de la guerre, «les forces de progrès». La classique triade des pays socialistes, des mouvements de libération nationale et des partis révolutionnaires européens donne des signes d'usure, d'égarement dont l'adversaire, qui n'a jamais désarmé, va tirer avantage. C'est alors que se dessine la contre-offensive libérale qui va tout balayer, gagner le monde. Le socialisme réel se désintègre. Les mouvements de libération amorcent leur dérive confessionnelle et les partis communistes s'effacent de la scène où ils tenaient, depuis un demi-siècle, le premier rôle.

C’est en 1979 que Gérard Bobillier fonde les éditions Verdier avec Colette Olive, Michèle Planel et le volontarisme hérité de l’ultra-gauche où ils ont activement milité. L’entreprise n’est pas moins hasardeuse que celle à laquelle ils ont sacrifié pendant leurs jeunes années et dont le cours des choses a sanctionné l’irréalisme. Quoi ! Créer une structure éditoriale à partir de rien, sans antécédents ni soutien, sur la seule foi de ce que, le socialisme à la chinoise excepté, il n’y a guère, dans cette vie, que la littérature à quoi il vaille la peine de se consacrer ? C’est pourtant sur ces prémices qu’ils se lancent, avec la belle candeur, encore, de la trentaine, un souffle resté des Trente Glorieuses à peine achevées, aussi, dans une histoire qui aurait dû trouver bientôt le même triste épil