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Libération
Disparition

Le penseur des mondes perdus

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Explorateur vite retourné aux livres, étudiant marxiste devenu scientifique fermement objectif, Lévi-Strauss restera comme le plus grand ethnologue du XXe siècle.
Claude Lévi-Strauss a été inhumé dans la plus grande discrétion en présence de son épouse, de ses fils, Roland et Mathieu, de deux petits-enfants et du maire de Lignerolles, bourg de 50 habitants aux lisières de la Haute-Marne, Denis Cornibert. (© AFP Pascal Pavani)
publié le 4 novembre 2009 à 0h00

«Je hais les voyages et les explorateurs.» Cette phrase, la première et la plus célèbre de Tristes Tropiques, n'était pas qu'une boutade provocatrice. Claude Lévi-Strauss, mort vendredi à 100 ans, ne raffolait pas des expéditions. Il l'admettait lui-même. Passé l'enthousiasme des premières explorations, le savant préféra de loin l'ombre des bibliothèques pour construire son œuvre. Comme madame de Staël, il reconnaissait que «voyager est, quoi qu'on puisse dire, un des plus tristes plaisirs de la vie» et, comme beaucoup de ses confrères, il a ressenti plus d'une fois sur le terrain l'illusion de la course aux vestiges d'une réalité disparue. «Tel je me reconnais, voyageur, archéologue de l'espace, cherchant vainement à reconstituer l'exotisme à l'aide de parcelles et de débris», écrivait-il en 1955. Malgré sa mélancolique modestie, c'est pourtant à partir de ses enquêtes dans la savane et la forêt brésiliennes des années 30 que Claude Lévi-Strauss a composé - des Structures élémentaires de la parenté à Histoire de Lynx en passant par les deux volumes d'Anthropologie structurale et les quatre de Mythologiques - une théorie d'ouvrages qui auront révolutionné l'anthropologie moderne. Rousseauiste nostalgique d'un âge d'or perdu, anxieux d'une humanité oubliant son passé et enchaînée à la tyrannie du progrès, il aura pourtant recouru à la méthode la plus rigoureuse et aux théories les plus avant-gardistes pou