Heureux les commissaires d'exposition qui dirigent la marche de l'histoire de l'art et se rappellent au souvenir des oubliés ou mal-aimés. Installé à la tête du musée de Grenoble, Guy Tossato pourra se vanter d'avoir rétribué Gaston Chaissac de son génie. Montré en grande pompe, le «peintre-savetier», né en 1910, avait la mélancolie collée sous les sabots. Chaissac a filé le spleen toute sa vie en maquillant ses états d'âme en états de grâce. Cette besogne prodigieuse lui valut surtout d'être associé aux grandes «brutes», comme Dubuffet, qui se donnaient raison de peindre comme des fous.
Gaston Chaissac eut des rétrospectives au musée de la Poste en 2006, au Jeu de Paume en 2000, à Nantes en 1998, mais c'est ici que son mal est honni. Jusqu'à la fin du mois, l'exposition «Poète rustique et peintre moderne» le ravit pour de bon de la place du village, le délie du pilori. L'exercice grenoblois a le mérite de ne pas faire commerce du vernaculaire. Souvent montré en brave paysan, Rastignac du bocage ou Chouan échoué, le peintre est éprouvé là dans la force de l'art. Le spectacle est modeste et l'ambition grande. L'atypique asthénique revêt les habits neufs d'un maître du XXe siècle : «Son œuvre croise incidemment l'univers de Klee et de Miró. Et, de fait, c'est près de ces créateurs qu'on doit le placer», estime justement Guy Tossato.
A Grenoble, la relecture commence donc à la mine. Sur les dessins d’avant-guerre, la candeur et la simplicité d’un môme